Le télescope spatial James Webb (JWST), bijou technologique de la NASA, de l’ESA et de l’Agence spatiale canadienne, repousse les limites de notre compréhension de l’univers. Depuis son lancement en 2021, il scrute des mondes lointains avec une précision inégalée. Récemment, ses observations de l’exoplanète K2-18b ont fait sensation : des indices de molécules potentiellement liées à la vie auraient été détectés. Mais a-t-on vraiment trouvé des extraterrestres ?
A la decouverte de K2-18b
K2-18b, située à 124 années-lumière dans la constellation du Lion, est une exoplanète intrigante. Avec une masse 8,6 fois supérieure à celle de la Terre et un diamètre 2,6 fois plus grand, elle orbite dans la zone habitable de son étoile. Cela signifie que des conditions propices à l’eau liquide, un ingrédient clé pour la vie telle que nous la connaissons, pourraient exister .
Classée comme une planète hycean (un monde océanique avec une atmosphère riche en hydrogène), K2-18b a déjà révélé des surprises. En 2019, le télescope Hubble avait détecté de la vapeur d’eau dans son atmosphère. Puis, en 2023, le JWST a identifié du méthane (CH₄) et du dioxyde de carbone (CO₂), renforçant l’idée qu’elle pourrait abriter un océan global sous son atmosphère épaisse.
Cette impression d'artiste montre à quoi pourrait ressembler un monde aquatique doté d'une atmosphère d'hydrogène, comme la planète K2-18b. Crédit : Nikku Madhusudhan, NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)
Composition de l'atmosphère de K2-18b. Crédit : Nikku Madhusudhan, NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI), Joseph Olmsted (STScI)
Une découverte importante
En avril 2025, une équipe dirigée par Nikku Madhusudhan de l’Université de Cambridge a publié une étude révolutionnaire dans The Astrophysical Journal Letters (Madhusudhan et al., 2025). Grâce à l’instrument MIRI du JWST, qui observe dans l’infrarouge moyen, les chercheurs ont détecté des signatures de dimethyl sulfide (DMS) et/ou dimethyl disulfide (DMDS) dans l’atmosphère de K2-18b.
Pourquoi est-ce excitant ? Sur Terre, ces molécules sont produites presque exclusivement par des organismes vivants, comme le phytoplancton marin. Leur présence dans une atmosphère extraterrestre est donc un indice alléchant, souvent appelé biosignature. Les concentrations détectées, supérieures à 10 parties par million, sont des milliers de fois plus élevées que sur Terre, suggérant une activité potentiellement intense si elle est biologique.
Mais il y a un bémol : la détection n’a qu’une signification statistique de 3 sigma, ce qui signifie qu’il existe une faible chance (0,3 %) que ces signaux soient dus au hasard. En science, une découverte est considérée comme définitive à 5 sigma (une chance sur 3,5 millions d’erreur). Pour l’instant, il s’agit donc d’une piste prometteuse, pas d’une preuve. S’il fallait le clarifier, nous n’avons pas encore découvert d’extraterrestres.
Les coulises de la découverte
Comment le JWST a-t-il repéré ces molécules ? Il utilise la spectroscopie de transmission, une technique qui analyse la lumière de l’étoile filtrée par l’atmosphère de K2-18b lorsque la planète passe devant. Chaque molécule absorbe la lumière à des longueurs d’onde spécifiques, laissant une empreinte unique. L’instrument MIRI, sensible aux longueurs d’onde de 6 à 12 microns, a permis d’identifier les signatures de DMS et DMDS avec une précision remarquable .
Cependant, interpréter ces données est complexe. Les chercheurs doivent modéliser l’atmosphère de K2-18b, qui est riche en hydrogène, une condition différente de celle de la Terre. Des incertitudes subsistent sur la manière dont ces molécules se comportent dans un tel environnement, ce qui alimente les débats
Spectre en transmission de l'exoplanète K2-18 b dans la zone habitable à l'aide du spectrographe MIRI du JWST. Crédit : A. Smith, N. Madhusudhan
Une preuve de vie ou une illusion ?
L’enthousiasme autour de K2-18b est tempéré par des voix sceptiques. Certains scientifiques, comme Christopher Glein du Southwest Research Institute, suggèrent que K2-18b pourrait être une planète gazeuse avec un océan de magma plutôt qu’un monde océanique habitable. Dans ce cas, les conditions pour la vie seraient inexistantes.
De plus, les molécules comme le DMS pourraient, en théorie, être produites par des processus non biologiques, comme des réactions chimiques sous rayonnement UV ou des décharges électriques. Cependant, ces scénarios nécessitent des conditions très spécifiques (par exemple, de fortes concentrations de sulfure d’hydrogène), qui semblent improbables selon les modèles actuels. L'arrivé de DMS sur l'exoplanète par des comètes est également jugée insuffisante pour expliquer les quantités observées.
Nikku Madhusudhan reste optimiste mais prudent : « C’est le signe le plus convaincant de vie extraterrestre à ce jour, mais nous devons confirmer ces résultats avec plus de données. »
Et puis après ?
Pour lever les doutes, les astronomes planifient des observations supplémentaires avec le JWST. Environ 16 à 24 heures d’observation, réparties sur 1 à 3 transits de K2-18b, seront nécessaires pour atteindre un niveau de confiance de 5 sigma. Ces données permettront aussi d’explorer d’autres molécules et de mieux comprendre l’atmosphère de la planète.
Parallèlement, les chercheurs travaillent à affiner les modèles théoriques, notamment sur le comportement des biosignatures dans des atmosphères riches en hydrogène.
Si la présence de vie sur K2-18b était confirmée, ce serait une révolution pour l’astrobiologie, la science qui étudie la vie dans l’univers. Cela prouverait l'existence de la vie extraterrestre. Même sans confirmation, ces découvertes montrent la puissance du JWST, capable de sonder des atmosphères à des centaines de trillions de kilomètres
The Astrophysical Journal Letters
NASA
Université de Cambridgehttps://www.cam.ac.uk/stories/strongest-hints-of-biological-activity
Nature Astronomy
New Scientist
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